|
|
|
France Culture
Christiane Veschambre
Sophie Nauleau
le dimanche de 23h30 à minuit
Ca rime à quoi
Le nouveau rendez-vous poétique de France Culture par Sophie Nauleau
Jean-Marie Kerwich, l’auteur de L’Ange qui boite, pour son Evangile du gitan, au Mercure de France
& Christiane Veschambre,
qui publie au Cheyne Robert & Joséphine, délicate suite poétique à l’histoire de La Maison de terre parue au Préau des collines
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Disgression
Comment couvrir de jeux cette planète que l’on pille et que l’on tue ? Notre seule arme sont les mots.
Nos cris empliront vos têtes
de tant de bruits que, harassés,
les tympans défaits ,
vous roulerez dans les fossés
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Un livre d’Ali...
Saaghar
Saaghar vient de monter sur l’estrade du hall à mushaayras du Dayal Singh college, sous les regards des poètes déjà installés sur la scène qui le toisent avec mépris et dégoût.
Qui est ce malang malade et puant ? Comment oserait t’il partager cette scène avec l’élite littéraire de Lahore ? Sa seule présence va empoisonner l’air, le rendre irrespirable et va chasser les auditeurs un à un. Que vont alors faire les poètes sans leur public ? Saaghar marche vers le maître de cérémonie. Sa robe ample et noire lui donne une allure féminine inattendue que les poètes trouvent risible. Saaghar remarque parmi les poètes hilares l’escroc qui s’était fait passer pour lui la semaine précédente. Saaghar va bientôt rétablir la vérité, et c’est de cet imposteur dont les poètes ne vont pas tarder à se gausser. Le maître de cérémonie, lui aussi natif d’Amritsar et précédemment fanatique de Saaghar parvient à peine à le reconnaître. Alors, Saaghar se présente en bonne et due forme, et demande que la mushaayra débute contre coutume par son ghazal à lui. Une terrible méprise a eu lieu la semaine précédente, la situation demande qu’on donne priorité à sa voix parce qu’il doit ramener la vérité dans son abri. Le maître de cérémonie est confus. Il avait invité lui-même le débutant qui s’était fait passer pour Saaghar la semaine précédente. Il doit réparer son acte, Saaghar ne lui en donne pas le choix. Le maître de cérémonie vient de retrouver un Saaghar élimé comme un vieux manteau, mais à l’autorité intacte, digne du jeune homme ambitieux qui avait su par ses simples mots maîtriser la foule de Jalianwala baagh et allumer embraser les poitrines. Amritsar...C’était un autre temps. Les hommes se souciaient peu de leur gloire à cette époque, les poètes ne mourraient pas de faim, les armées étaient silencieuses, cachées en périphéries des villes, le sang n’avait pas encore surgi des corps et n’avait pas encore fragmenté les rues de ses lézardes.
Ali, Saaghar, 128 pages, 22x14 cm, ISBN 978-2-914945-88-2, 15 euros
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Disgression
Jean-Paul Bota
Elle dit : des rues courbées près des quais d’une gare ou par les allées du cimetière, des rues pour se perdre dans la lumière déclinante, le halo défectueux d’un néon. Elle habite des cellules de lumière aux abords des chantiers, des jardins aux éclairages de givre, aux tempêtes de silence qu’elle ne déserte à l’aube que pour aller s’attendre à la verticale d’un chemin, surmontant sa présence, déjouant les masques usés de la solitude, se fardant d’une roucoulade amoureuse qu’elle devine, là-haut dans l’imaginaire d’une cage d’ascenseur, la rumeur – ailée ? – d’une circulation. Etages. Des villes s’inventent dans l’urgence des forêts, des fleuves, une porte s’ouvre, invisible, dans l’écho des caravelles.
Elle dit : des soifs, des besognes. Des mots qui se consument par étapes. Combien de feuillées derrière elle ? Combien de nuits ? De cercles tracés ? De remous d’oiseaux ? Et combien de rêves déplacés dans le sommeil des caravanes ? De cirques, de secrets enfouis sous la terre, baisant la source, fruitière, sous les branches maîtresses, dans le vert alluvial, la parade des menhirs ?
Voyages de sable et d’eau. Elle dit qu’elle vient d’un hameau oublié : enfance démâtée, amarrée aux vents. Ici, là, des témoins révèlent des plis plus profonds, villes emportées, menées d’un pouce. On a hissé les murs de paroles, brandi les tréteaux. Elle ne cherche rien, elle enjambe, caillouteuse, par les routes intérieures au milieu des poutrelles, éperons de ferrailles, de câbles, tranchant ras dans les brumes opaques, échos sourds des dallages quand plus rien ne se projette à l’aube que le halo d’une gare, le tic-tac d’une horloge, l’oiseau repoussant toujours plus loin les limites de son cercle, la roue du paon sortie de l’essieu. On voudrait ne plus songer à rien, ni au temps, ni au soir, ni aux manèges qui s’emballent, le chapeau envolé par la fenêtre, le journal déchiré, reconstitué dans l’urgence de l’aube : des mains la rattrapent sur la piste du temps. Et toujours « Qui ? », « Quand ? », « Quoi ? », des questions comme un boomerang dans le ronflement d’une voix qui lui parvient en vent contraire.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
"Passions d’Annie Leclerc"
Annie Leclerc "Paroles de femme"
Nancy Huston
Dans Passions d’Annie Leclerc, le beau livre qu’elle consacre à son amie, auteur de Paroles de femme, disparue en octobre 2006, Nancy Huston, parlant de leurs féconds échanges de lectures, cite ces extraits de leurs lettres, à propos de La Griffe et les rubans : "Je t’enverrai bientôt le livre de Christiane Veschambre que j’ai adoré et qui, j’en suis sûre, entrera dans ton coeur par la grande porte... (N.H. à A.L., 26 juin 2002)
J’ai, comme tu le pressentais, adoré ce petit livre (La Griffe et les rubans). Comment es-tu tombée sur cette perle improbable et précieuse ? (A.L. à N.H., 16 juillet 2002)"
|
|
|
|
|
|
|
|
|